La statue de la Vierge déchaîne les passions

Son visage paisible et ses traits d’une grande douceur ne changent rien à l’affaire. la statue de la Vierge Marie située à La Flotte, au carrefour que tout le monde à l’île de Ré désigne comme le carrefour de La Vierge, est de nouveau l’objet d’un bouleversement, l’objet de l’attention des médias, mêmes nationaux et  de ce qui se profile comme une nouvelle polémique. Et surtout d’une nouvelle décision de justice.

Les Rétais ne traite pas ou peu des sujets d’actualité chaude comme celui-ci, mais l’affaire est symbolique. Cette fameuse statue de la Madone est en passe de résumer à elle seule le combat entre les laïcs et les conservateurs (même les plus jeunes et modernes) qui veulent préserver un patrimoine local en place publique, fut-il religieux. A noter qu’il y a aussi beaucoup d’affect dans cette histoire, les habitants de l’île de Ré étant très attachés à leur « petit patrimoine local ».

Explications : la cour administrative de Bordeaux a confirmé l’obligation pour la commune de La Flotte de déplacer la statue de la Vierge Marie par un arrêt en date du 12 janvier 2023. La statue de la discorde avait été réinstallée en 2020 au carrefour éponyme et sur la voie publique, après qu’elle a été percutée par une voiture et endommagée.

La sculpture a été réalisée après la seconde guerre mondiale par une famille rétaise reconnaissante d’avoir vu des survivants revenir de la guerre. D’abord exposée dans un jardin privé, elle a été offerte à la commune, qui en 1983, l’a installée à un carrefour central de la commune.

Après l’accident, elle était refaite à l’identique par le sculpteur rétais Jean-Marie Meslin à la demande de la municipalité flottaise, puis réinstallée sur son promontoire, au même carrefour de La Flotte. C’était sans compter sur le combat sur la laïcité de l’association La Libre pensée 17 (qui devait s’ennuyer sévèrement pour s’attaquer à cette statue flottaise) y a vu un non-respect de la loi de 1905 de séparation de l’Eglise et de l’Etat et qui demandait à la municipalité rétaise de déplacer la fameuse représentation de la Vierge Marie. Cette loi interdit, entre autres, « d’élever ou d’apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit« , sauf dans les cimetières et les musées.

En première instance, le jugement du tribunal administratif de Poitiers avait annulé la décision du maire Jean Paul Héraudeau, qui refusait de déplacer la statue. Le maire faisait alors appel de l’injonction de justice, soutenu par l’ensemble de son conseil municipal et par une majorité de Rétais très attachés à la dite statue. Une pétition recueillait même, à l’époque, plus de 5000 signatures.

Trois mois avant les élections présidentielles, en mars 2022, l’affaire prenait même un tour politique et médiatique national, après que des jeunes d’une association vendéenne proche de l’extrême droite est venue manifester devant la statue.

La cour d’appel reconnaît dans son arrêt du 12 janvier 2023 que « la commune n’avait pas l’intention d’exprimer une préférence religieuse en l’y installant en 2020″, mais elle argumente in fine « que la figure de la Vierge Marie est un personnage important de la religion chrétienne, en particulier catholique, et que la statue présente par elle-même un caractère religieux ». Le maire de La Flotte : Jean-Paul Héraudeau, a annoncé en public, lors de la cérémonie des voeux le dimanche 8 janvier qu’il entendait aller jusqu’au bout des recours juridiques possibles. Devant ses administrés, il ignorait encore la décision en appel de la Cour de Bordeaux. Déjà en mars 2022, il parlait de “situation ubuesque”.

La suite : Les prochaines marches juridiques pourraient donc être un recours devant le Conseil d’Etat, puis ultime étape, devant la Cour européenne des droits de l’homme, si le Conseil d’Etat confirmait les deux décisions de justice précédentes. L’édile va certainement vouloir « jouer la montre » et ester en justice rapidement, car l’arrêt du 12 janvier n’est pas suspensif, ce qui signifie que même si la municipalité de La Flotte continue de porter l’affaire à la barre du Conseil d’Etat, elle a six mois pour déplacer la statue, sous peine de devoir commencer à payer des lourdes pénalités quotidiennes.

A ce stade, il serait bon de s’interroger sur le caractère raisonnable ou nom de s’arc-bouter à vouloir maintenir à son emplacement actuel la représentation de la Vierge Marie, en engageant l’argent des contribuables flottais, dans un combat qui peut sembler celui du pot de terre contre le pot de fer.

Surtout dans un contexte où les finances publiques sont mises à mal par le coût de l’énergie et l’inflation galopante. Dans ce contexte, le « quoi qu’il en coûte » cher à Macron ne se justifie peut-être pas de manière impérieuse. Il faudrait en mesurer le coût bénéfice/risque. Et peut-être que cette statue prendrait une dimension supplémentaire si elle était située dans l’église ou au cimetière. Une consultation publique pourrait être envisagée.

Interrogé, le maire Jean-Paul Héraudeau, étudie la possibilité du recours au Conseil d’état, argumentant que la statue se trouve située sur une parcelle en indivision, qui appartient à la fois à la commune mais aussi à une famille de propriétaires privés. Et qui peut dire si la statue se trouve sur la partie privée ou publique de la parcelle ?

Mais aujourd’hui la petite commune de La Flotte doit faire face à un autre problème, le groupe d’extrême droite des jeunes militants proches d’Eric Zemmour : Génération Z envisage une manifestation devant la statue le samedi 28 janvier prochain, à 14h.  Un rendez-vous à haut risque susceptible d’entraîner contre manifestation et heurts.

Un rendez-vous dont La Flotte, l’île de Ré et sa paisible Vierge se serait bien passé.

Virginie Valadas

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