Un triste sauvetage en mer, Denis Chatin raconte
Cédric, un pêcheur professionnel a péri en mer vendredi 27 janvier, il était des Sables d’Olonne. Son navire a chaviré au large du plateau de Rochebonne et il est resté coincé sous la coque. 5 sauveteurs de la station SNSM de l’île de Ré sont intervenus dans une mer démontée. Denis Chatin, le patron de la station SNSM de l’île de Ré nous fait le récit détaillé de ce triste et dangereux sauvetage, avec sa plume précise, acérée et poétique. Il nous a autorisé à publier son récit. Le voici.
Vendredi 27 Janvier à 10h41 le navire de pêche le « Rumalo II » chavire.
Suspicion d’hommes coincés sous la coque.
Il est solide ce navire, comment est-ce possible ? il a tellement fait ses preuves aux mains de Patrick puis de Jérémy en parcourant des milliers de Milles dans nos pertuis…
Mais la mer est mauvaise aujourd’hui car elle a décidé, à trois jours de la date où il est encore d’usage de se souhaiter des bons voeux pour une heureuse année, de s’opposer aux traditions.
Elle est mauvaise aussi parce que dans ces carrés du large réputés poissonneux qui devancent le plateau de Rochebonne dans l’ouest des Baleines, la houle ne rigole pas.
Et quand le vent et le coefficient s’ajoutent à sa puissance, ça grogne et ça s’entend de loin…
Grosse houle de Sud-Ouest venant de l’infini, mi-marée de vive eau descendante dont le flux s’oppose à un vent de Nord/Nord-Est de vingt deux noeuds, c’est la guerre là bas quel que soit la taille de ton navire. Que s’est il passé?
Bien que chacun de nous ait sa propre interprétation, nous on n’est pas là pour comprendre pourquoi les bateaux décident parfois de partir en voyage vers les étoiles de mer. Nous on est là pour sortir les marins du dedans de leur coque, quand ils sont pris au piège dans leur dessous.
C’est pour ça que le Crossa Etel a missionné la Snsm de l’Ile de Ré ainsi que plusieurs moyens de sauvetage, deux hélicoptères et les trois navires de pêche présents sur la zone pour tenter l’impossible.
« La seule chose promise d’avance à l’échec c’est celle qu’on ne tente pas », cette citation de Paul Emile Victor pourrait être l’adage de la Snsm, elle motive par toute météo les sauveteurs bénévoles à tendre leurs mains à la main mouillée salée du marin.
Alors nous y allons pour tenter !
A cette période de l’année les sauvetages sont moins fréquents. La case « qui-vive » du cerveau est un peu congelée de l’hiver, elle s’est mise en vacances, on est devenus sourds. Mais néanmoins nous appareillons 14 minutes après l’alerte et nous sommes cinq à bord, c’est suffisant, ça devrait faire le job.
Par radio le Cross nous donne le point GPS du naufrage que nous rentrons dans la machine à carto tandis que deux équipiers larguent les amarres. Nous sommes à 24,5 nautiques du naufrage, 12 nautiques dans l’ouest sud ouest des Baleines.
45 kilomètres à parcourir avec une mer de travers démontée dans laquelle nous ne pourrons pas donner toute la puissance de nos moteurs tant ça va être l’enfer. C’est la raison pour laquelle nous indiquons un ETA ( temps estimé d’arrivée ) raisonnable de 1h03.
C’est parti pour la machine à laver, top départ!
Deux d’entre nous fort heureusement ont pu mettre leur combinaison de plongée avant qu’on quitte le ponton car dés la sortie des remparts on ne peut plus dire: « une main pour toi une main pour le bateau » mais bien « deux mains pour toi et rien pour le bateau » si on veut tenir les 25 noeuds constants sans se broyer les côtes sur les cloisons.
C’est la guerre, tout vole à l’intérieur, impossible de remplir le journal de bord, compliqué d’utiliser la radio vhf avec le Cross, juste écouter sur les ondes le déroulement de la scène pour préparer notre mission. Nous n’avons pas de main disponible pour calculer les dérives vent/courant afin d’anticiper une potentielle recherche sur zone, nous le ferons à l’arrivée.
La barquette et le plan dur naufragés sont arrachés de leurs emplacements et volent dans la coursive avant, les palmes les combis les bottes, les stylos les téléphones tout ce qui n’est pas fortement arrimé vont et viennent roulent tapent cognent. Il n’y a qu’une chose à faire, on fléchit comme au ski pour pas se casser les genoux et le dos et surtout on se tient des deux mains. La vedette elle, on sait qu’elle devrait passer mais nous faut pas qu’on aille se taper la tête aux carreaux.
Une vague encore plus forte que l’autre sur le tribord, le pilote est éjecté il se retrouve en bas une main heureusement bien cramponnée à la barre qui lui a sauvé l’assommage sur la table à cartes. Pffff ! Bon réflexe et merci à la chance…
Allez on mollit pas on nous attend là bas, on fléchit on se cramponne… plus que trois quart d’heure….
Nos deux VHF sur les canaux de travail déroulent les infos. Entre les chocs des vagues nous parvenons à entendre l’essentiel durant notre trajet.
Les deux matelots qui ont été éjectés à la mer pendant le chavirage ont réussi à monter sur la coque du navire. La proue du navire émerge, ils sont dessus.
Le navire l’Astrolabe les a récupérés à son bord.
Une équipe médicale est hélitreuillée sur l’Astrolable depuis Guépard Yankee pour un bilan médical.
Deux plongeurs sont hélitreuillés depuis Dragon17 pour inspecter la coque du navire « Rumalo II » dans laquelle pourrait être coincé le Patron.
Les matelots rescapés sous le choc, inquiets, d’une voix fébrile parviennent à indiquer aux secours comment est constituée la passerelle du navire ainsi que l’accès aux couchettes pour aider aux investigations des plongeurs.
Quelque temps après Le navire « Rumalo II » est signalé coulé.
Il y a 42 mètres d’eau sous la surface. On se regarde, pas besoin de parler… Pourvu que leur Patron ait pu se dégager de la poche d’air avant le grand saut….
Dragon17 a récupéré ses plongeurs et entame les recherches d’homme à la mer. Guépard Yankee a récupéré l’équipe médicale et entame ses recherches d’homme à la mer. Tous les navires sur zone sont en veille attentive de la surface de la mer qui n’est plus une surface mais un terrain de moto cross fait de vagues et d’écume.
L’Astrolabe fait route vers les Sables d’olonnes avec les deux matelots à son bord.
Nous arrivons sur le point du chavirage, les deux hélicoptères sont repartis vers la Rochelle pour un ravitaillement carburant.
Le Cross nous a donné une zone de recherche type rectangulaire à quadriller en bandes parallèles avec des passes serrées de 0,2 nautiques pour une visibilité optimum.
Nous avons trois équipiers sur le pont équipés de jumelles classiques et thermiques plus radios pour communiquer à la passerelle.
Nous débutons nos patterns à 8 noeuds. Mer arrière notre vedette surfe sous la vague, mer devant elle percute et plonge dans les trous. Ils ont l’eau au dessus des genoux ils sont trempés les copains sur le pont mais ne lâchent pas la veille.
Notre rectangle de recherche est de 25 km2 du Nord au Sud avec des passes Est Ouest de 320 mètres. 5 paires d’yeux ne lâcheront plus la mer à la recherche du moindre indice.
Il s’agit de lever tous les doutes, d’inspecter chaque crête chaque creux pour y déceler une couleur qui ne serait pas dans l’inventaire de la mer et du vent.
Après un rapide calcul de dérive nous décidons d’allonger notre troisième passe de recherche plein sud de 0,3 nautiques.
C’est à ce moment là que nous nous croisons le navire de pêche « Anna Mamm Mari ».
Ses marins en veille perchés au plus haut du navire viennent d’apercevoir une forme suspecte entre deux trains de vague.
Ils nous font signe! Nous les rejoignons.
Les marins nous désignent un alignement. Ils ont repéré une tache sous la mer. En l’approchant nous découvrons un ciré jaune sous la surface du bouillon d’écume.
Nous venons à son vent, c’est lui… c’est le patron!
Nous le remontons à notre bord. Il pleut…
Non, il ne pleut pas ce sont les larmes de l’Anna Mamm Mari à notre vent. Ses marins se tiennent debout au Sémaphore comme un garde à vous pour saluer leur copain et surtout, surtout espérer maintenant qu’il est à l’air libre, que le vent scélérat saura chasser l’eau iodée qui est en lui.
Nous entamons immédiatement la réanimation cardiaque la pose du défibrillateur et la mise sous oxygène.
La radio ne parle plus, le silence fait partie du référentiel pour augmenter les chances de réanimation. Nous seuls parlons au Cross pour, au fur et à mesure que nous appliquons nos gestes de secours, donner les constantes médicales. Guépard Yankee ravitaillement effectué récupère une équipe médicale au CHU de la Rochelle.
Pendant que quatre d’entre nous maintiennent les gestes de réanimation, l’hélitreuillage a lieu bout au vent cap 32° vitesse 6 noeuds récupération par l’arrière. Nous faisons le yoyo, le plongeur avec beaucoup de difficulté gagne notre bord. Il est décidé que nous réceptionnerons le médecin sur la plage avant, trop dangereux par l’arrière!
Nous prenons le cap 212°à 5 noeuds notre vedette est plus stable et sécurisante pour accueillir l’urgentiste.
Il s’appelle Cédric
Il était jeune il était beau
Il était fort comme un roc.
Il connaissait la mer et les carrés de Rochebonne mieux que personne.
Il se levait tous les matins à 3 heures pour aller gagner sa croûte à la mer.
L’ingrate!
Il a rejoint ses camarades des gens de mer Yann, Alain, Dimitri et tant d’autres encore derrière la vague.
L’accostage étant impossible dans cette mer nous transbordons Cédric à bord du canot tous temps 002 Jacques Joly à l’aide de leur annexe semi rigide.
C’est leur ami il leur revient ils le couvriront de tendresse pour le retour à la maison.
Nous rentrons le coeur en berne.
Nous avons tenté.
Les Sables d’Olonnes une fois encore pleurent un enfant.
La mission aura duré 5 heures.
Salut étranger !
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