Les secrets du sel de l’île de Ré

Le temps semble s’être arrêté dans les marais salants de La Couarde-sur-Mer. Les sauniers extraient le sel sous le regard intrigué des touristes à vélo.

Munis de leur longue perche appelée simoussi, ils récupèrent le gros sel cristallisé au fond des quelque cinquante oeillets du marais. Un geste ancestral, que le responsable de la production et de l’exploitation du marais, Emmanuel Renoux connaît par coeur.

Il s’est établi en tant que saunier dans l’île de Ré en 2014 après avoir quitté ses Deux-Sèvres natales et son job de paysagiste pour suivre « l’appel de la mer ». Un métier en décalage avec les métiers plus conventionnels, et c’est ce qui lui plait : « j’aime être en décalage » confie-t-il. Avec près de dix ans d’expérience, le marais salant n’a plus de secrets pour lui. Et pour récolter environ 50 tonnes de sel par saison, c’est un jeu de précision, de ressenti et surtout d’expérience. « Il faut entre 280 et 300 grammes de sel par litre d’eau pour initier la cristallisation et finalement recueillir le sel. » détaille Emmanuel, tout en rassemblant le gros sel en forme pyramidale le long des oeillets.

Une part substantielle de son activité repose sur l’intuition. « Le secret, c’est l’observation, une vision globale, une compréhension d’ensemble. Il faut être connecté avec ce qui se passe : les conditions météorologiques, la circulation de l’eau… On sait si le temps est salant, si notre marais est bien réglé. Tout cela se ressent », explique-t-il. Malgré des saisons intenses et des conditions de travail exigeantes, être saunier est bien plus qu’un emploi pour lui.  « J’aime cet environnement, c’est zen, apaisant. J’aime la symbiose entre les éléments : l’eau, la terre, le soleil, l’air. Je pense que cet environnement s’adapte à ma personnalité… Ou peut-être que c’est ma personnalité qui s’adapte à cet environnement », sourit-t-il.

Seule ombre au tableau, en dépit de ses dix années sur l’île de Ré, Emmanuel n’a pas de logement fixe et vit dans une caravane. Bien qu’il parvienne quelques fois à trouver un toit pour les mois d’hiver, il est contraint de le quitter à l’arrivée des touristes. « J’aime ce que je fais, mais le lieu dans lequel je vis n’est plus tenable… C’est certainement ce qui me fera arrêter mon métier. » regrette-t-il. Une situation courante parmi les sauniers de l’île de Ré, pour qui les logements à l’année sont une denrée rare.

Un décret classant l’île de Ré en « zone tendue », a été annoncé par le député de la circonscription Olivier Falorni le 29 juin dernier, il a été officialisé au Journal Officiel fin août. Cette classification reconnaît les difficultés à accéder au marché de logement local, notamment pour les travailleurs et permet aux élus du territoire de changer les taxes sur les résidences secondaires et les logements vacants. Une première étape de franchie, mais un long chemin reste à parcourir pour inverser cette tendance et remettre du logement locatif sur le marché rétais. Et ce cheminement ne pourra se faire qu’avec une forte volonté politique. C’est maintenant entre les mains des élus rétais.

Journaliste Adèle Guilluy

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