Les sauniers opposés au label Bio européen

Dernière ligne droite avant que l’Union européenne n’adopte un texte qui définit les critères d’attribution d’un label Bio pour le sel grâce à une consultation publique ouverte jusqu’au 4 janvier 2023.

Un label qui, à priori, devrait satisfaire pleinement les 600 producteurs de sel de l’Atlantique (des bassins de production de Ré, Guérande et Noirmoutier) qui produisent de manière artisanale, séculaire et totalement naturelle un sel alimentaire aux nombreuses vertus.

Sauf que… le texte envisagé par Bruxelles y inclut des sels de mine et des sels produits par des industriels notamment dans le nord de l’Europe. Ce qui rendrait ce label bio caduque ou pour le moins contre-productif pour les 600 sauniers et paludiers des trois bassins de production français réunis au sein de l’Association des producteurs de sel de l’Atlantique et surtout un texte qui nuirait à une information pleine et entière des consommateurs sur une labellisation bio alors dénuée de sens et viciée.

C’est pourquoi, Louis Merlin, que Les Rétais avait interviewé sur son marais salant à Saint-Clément-des-Baleines en août dernier, nous a alerté et nous a fait parvenir le communiqué de presse officiel que l’association a versé au dossier de la consultation publique. Un communiqué de presse pour dénoncer un texte qui est « un non sens réglementaire« , un texte « avec des incohérences et un certain nombre de renoncements« .

Malgré un soutien unanime et transpartisan de nombreux élus en France, dont l’ensemble des conseillers départementaux de Charente-Maritime qui ont voté une motion et l’ensemble des députés de l’Assemblée nationale, pas sûre que la position française fasse le poids face aux nombreux lobbies du sel de mine et du sel industriel des pays du nord de l’Europe.

Le texte intégral du communiqué de presse de l’Association des producteurs de sel de l’île de Ré :

« Les sauniers de l’Ile de Ré, héritiers de centaines d’années de savoir-faire, dénoncent le projet de texte sur le sel Biologique proposé par la Commission Européenne.

Ce projet est un non-sens réglementaire, niant les principes et les objectifs du règlement biologique 2018/848 de l’UE:  » La production biologique est un système global de gestion agricole et de production de denrées alimentaires qui combine les meilleures pratiques environnementales, un niveau élevé de biodiversité, la préservation des ressources naturelles » (considérant 1).

Il est évident que, pour écrire sa proposition d’acte délégué sur le sel Bio, la Commission Européenne n’a pas respecté les critères du règlement européen 2018/848 sur le Bio. Ainsi:

– Elle autorise la production de sel biologique à partir de mines de sel.

Il est évident que l’extraction minière ne respecte aucun cycle naturel et détériore les sols et sous-sols, contrairement au règlement Bio (article 5). Les méthodes d’extraction du sel sont comparables à celles utilisées dans les mines de charbon. Ce serait une aberration de les autoriser en Bio et cela créerait un précédent vertigineux. 

Nous demandons que toute pratique d’extraction minière soit inéligible au Bio

– Elle est peu regardante sur les méthodes les plus énergivores… 

Le texte proposé autorise l’obtention de sel par chauffage d’eau salée, sans contrainte sur l’énergie utilisée, alors qu’il s’agit de la technique la plus énergivore existante. Il ne s’intéresse pas non plus à l’énergie utilisée lors de l’extraction minière ou le traitement des sels industriels. A contrario, la Commission exige que le séchage du sel de mer naturel, pourtant mineur et peu énergivore, soit réalisé à l’aide d’énergie renouvelable. Cela n’a aucun sens sur le plan écologique et crée une distorsion de concurrence qui affectera gravement les producteurs les plus petits et les plus vertueux.

L’utilisation d’énergies renouvelables devrait être une obligation pour tous les processus de production ou pour aucun.

 – Elle autorise des techniques qui modifient la nature du sel…

Le texte autoriserait le lessivage du sel après la récolte qui élimine les minéraux naturellement présents tels que le magnésium et le calcium. Cela est contraire aux principes de l’agriculture biologique exigeant de « garantir l’intégrité de la production biologique à tous les stades de la production, de la transformation et de la distribution » (article 5 du règlements bio). Il devrait être interdit.

– Elle confère un avantage injuste au sel produit à partir de l’extraction minière par rapport au sel marin en ce qui concerne l’accès au marché.

L’acte délégué ne prévoit pas de date pour la mise sur le marché du sel biologique. Or, la production de sel marin est saisonnière, car elle dépend de bonnes conditions climatiques, alors que le sel de mine est produit en continu tout au long de l’année. En l’absence d’une date précise pour la commercialisation du sel biologique, le sel de mer sera forcément devancé sur le marché par le sel de mine non saisonnier. L’acte délégué introduit une distorsion de concurrence importante entre les opérateurs au profit des grands opérateurs industriels du sel de mine.

 Le texte que la Commission s’apprête à adopter contient de graves renoncements ainsi que des incohérences manifestes qui auront des conséquences importantes sur la crédibilité du Bio dans son ensemble et sur les petits producteurs de sel marin. 

Il s’agit donc aujourd’hui de poser des limites crédibles pour que les méthodes ne respectant pas les principes du bio soient interdites lorsqu’existent des alternatives naturelles. 

Le sel des petits producteurs récoltant à la main dans des marais salants est mis sur le même plan que celui issu des grands complexes d’extraction minière, avec des contraintes disproportionnées. 

Selon le texte de la Commission, le label bio ne guidera pas le choix du consommateur vers les méthodes de production vertueuses tout en fragilisant ces dernières. « 

Jusqu’au 4 janvier, il est possible d’apporter sa contribution sur cette consultation publique en allant sur la page dédiée

Sur le même sujet, écoutez aussi le podcast diffusé en octobre dernier sur le média girondin Podcastine : Un label qui ne manque pas de sel

Virginie Valadas

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