À la prison, l’insertion par la réparation

Un grand atelier d’une centaine de mètres carrés, plusieurs postes de travail, une machine à café et partout des pièces de vélo : là des cadres, ici des chambres à air, à côté des dérailleurs, des selles, des systèmes de freinage et dans des armoires fermées à clé tout l’outillage nécessaire au démontage et à la réparation de bicyclettes : clés à molettes, tournevis, pinces…

Un atelier spacieux et bien équipé, tel que beaucoup de professionnels de la petite reine en rêverait à l’île de Ré, où la pratique du vélo est érigée en religion, sauf que… celui-ci se trouve derrière les murs de la prison de Saint-Martin-de-Ré et plus exactement au quartier de la caserne, l’un des deux bâtiments de la maison centrale rétaise.

Un exemple de justice restaurative

Ce mardi 27 juin, il y avait du monde pour inaugurer officiellement cet atelier de réparation de vélos par des personnes détenues ou plus précisément la première Société d’Insertion par l’Activité Économique de Nouvelle-Aquitaine (SIAE). « Ce n’a pas été simple de monter ce projet, cela a pris du temps, mais cela valait le coup ».

C’est un grand jour pour Coralie Morel, la présidente et initiatrice de l’association I-cycle, qui a permis la concrétisation de cet atelier de réparation de vélos par des détenus en fin de peine (à moins de trois ans de leur sortie). Et c’est avec émotion que Coralie prenait la parole devant le parterre des officiels et des médias : « je n’avais jamais été en contact avec le milieu carcéral » dit-elle « mais j’ai toujours eu à cœur avec Cédric mon compagnon de faire de l’insertion alors quand Cédric a créé un atelier hebdomadaire de recyclage de vieux vélos en objets de décoration dans l’autre bâtiment de la prison (la citadelle), je me suis dit qu’il était sûrement possible d’aller plus loin ». 

À l’époque, en plein Covid, l’activité de l’atelier Shoodrik, l’autre structure de Coralie et Cédric (commerciale celle-là), marche au ralenti mais les vélos usagers, eux continuent à s’entasser dans leur atelier. Cédric et Coralie les récupèrent déjà auprès de particuliers ou dans les déchetteries grâce à un partenariat établi avec la Communauté de communes de l’île de Ré.

De deux à cinq détenus et plus demain

La motivation et la détermination de Coralie ont raison de tous les obstacles administratifs et tous les partenariats sont noués en moins d’un an, avec la Communauté de communes de l’île de Ré qui lui alloue une subvention (7000 euros), avec le Service pénitentiaire d’insertion et de probation (le SPIP), avec le réseau Chantier école des entreprises sociales.

Mis en route il y a un an, l’atelier a d’abord accueilli deux détenus seulement, puis trois, quatre et aujourd’hui, ils sont cinq à occuper leur poste de travail, demain peut-être rejoints par de nouveaux volontaires. « certains vont même jusqu’à décorer, personnaliser leur poste » commente Cédric, « comme Léo, le plus ancien qui a customisé son espace. »

Tout se passe dans une ambiance de travail et de coopération, « les nouveaux sont intégrés, tout le monde est ponctuel et montre même une très grande motivation ». Les détenus s’intéressent même au sort des engins une fois réparés.

Car ces vélos remis à neuf sont remis sur le circuit des pistes cyclables rétaises. C’est là où la boucle est bouclée. L’association I-Cycle propose de louer les vélos aux travailleurs saisonniers de l’île de Ré, moyennant un euro par jour, soit une trentaine d’euros par mois. Une vingtaine de saisonniers a déjà réservé son vélo grâce au site Internet dédié. Cela devrait monter en puissance pendant les mois de juillet et août avec l’arrivée des autres saisonniers d’été.

Quant aux autres vélos qui ne trouvent pas preneurs à la location, ils sont vendus à des prix défiant toute concurrence (entre 50 et 100 euros) lors de journées spécifiques dédiée à la vente.

Et puisque le cercle est vertueux jusqu’au bout, dans l’atelier de la prison, tout le matériel qui n’est pas réutilisable pour rénover une bicyclette, est donné à l’association l’Envie de Périgny, qui est spécialisée dans la réparation de petit électroménager.

Avec Coralie et Cédric, le proverbe « rien ne se perd, tout se transforme » prend vraiment tout son sens.

Journaliste Virginie Valadas

Montage Hugo Da Silva

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