Jean-Jacques Vergnaud : l’hommage protéiforme
Pour rendre hommage à l’immense artiste décédé en décembre 2019, il ne fallait pas moins de trois événements artistiques concomitants : une exposition au musée Ernest Cognacq, la sortie d’un livre d’entretiens avec et de sa compagne et muse Catherine Salez et la présentation d’un spectacle mis en scène par la Compagnie l’Ilôt théâtre à partir du conte : Un amour de boa. L’homme avec sa stature d’ogre et son appétit insatiable de la vie, de l’amour, de l’art et des maux d’esprit était un artiste multiple : peintre, auteur, sculpteur, dessinateur humoristique, aquarelliste, romancier, journaliste…
L’heure de lui rendre hommage
« Un homme hors norme » comme le définit celle qui fut sa complice pendant plus de trente ans : Catherine Salez. Un homme hors norme avec un physique hors norme : presque deux mètres et plus de 100 kilos. Une sacrée stature pour sûr, un physique parfois difficile à assumer pour celui qui cherchait à passer inaperçu et qui n’aimait rien mieux que de se confiner dans des endroits étroits, son petit atelier ou sa voiture : une Fiat 500 !
Jean-Jacques Vergnaud était aussi un « tendre pudique » pour qui la famille avait une grande importance, notamment ces dernières années, où il rassemblait dans son accueillante maison de Rivedoux-Plage, ses trois enfants : Marie-Victoire, Emmanuel et Eléonore et ses cinq petits-enfants. A chacun d’eux, il a su transmettre, d’une manière ou d’une autre, le goût des arts et des belles lettres : la musique pour Emmanuel, la photographie pour Eléonore, l’écriture pour Marie-Victoire et un certain sens de l’humour et de l’auto-dérision pour tous, une manière de voir la vie, avec de la hauteur… Une singularité.
Touche à tout, travailleur, dandy, généreux, toujours élégant, l’œil et le verbe acérés, parfois acerbes sur l’époque qu’il traversait et ses concitoyens, Jean-Jacques Vergnaud a laissé derrière lui une œuvre multiple, variée et prolixe, tant en littérature qu’en peinture.
Il est temps d’en profiter et d’en découvrir un échantillon avec les différentes facettes. C’est ce qu’en disent de concert Catherine Salez et les amis de Jean-Jacques de l’Ilot théâtre, Laure Huselstien et Serge Irlinger : « il est l’heure de lui rendre hommage ».
« L’art comptant pour rien »
Les cimaises de la salle haute du musée Ernest Cognacq à Saint-Martin-de-Ré accueillent à partir du 1er avril une exposition consacrée aux toiles et aquarelles de Jean-Jacques Vergnaud. Le public pourra y découvrir une soixantaine d’œuvres, des grands, des moyens et des petits formats qui ne laissent pas indifférents, tant chaque tableau offre différents niveaux de lecture, de profondeur et d’interprétation. Christelle Rivalland, la directrice du musée a été celle qui a sélectionné les œuvres exposées et paradoxalement, c’est elle qui connaissait le moins l’artiste : « un avantage, selon Catherine Salez, qui a permis d’avoir regard complètement neuf ». La directrice du musée s’est rendue à plusieurs reprises dans l’atelier du peintre où elle a passé du temps à exercer son oeil connaisseur sur plus de 300 œuvres. Elle a aussi pensé la scénographie de l’exposition, où une petite place est réservée à certains objets personnels du peintre et à ses petites créations qu’il aimait inventer au quotidien et qu’il désignait comme « L’art comptant pour rien ».
« Si les gens qui disent du mal de moi savaient ce que je pense d’eux… »
Les œuvres exposées font écho au livre d’entretiens qui est déjà disponible dans les librairies. Un ouvrage que Catherine Salez cosigne avec l’absent, un livre difficile à classifier, entre autobiographie, roman et essai. Au quotidien, le couple, totalement fusionnel intellectuellement, n’a eu de cesse d’échanger sur le travail artistique de Jean-Jacques. Ce dialogue permanent, Catherine l’a scrupuleusement retranscrit au jour le jour, pour corriger, revenir dessus avec Jean-Jacques. Ces entretiens auraient pu sortir avant le décès de l’artiste, en 2016, 2017 et puis… Après la mort de Jean-Jacques Vergnaud, Catherine Salez s’est replongée dans ce dialogue ininterrompu qui avait ponctué leur vie commune autour des créations de l’artiste. Avec l’exposition, c’était le moment idoine pour livrer aussi cette part de vérité sur Jean-Jacques Vergnaud : ses doutes, ses réflexions, ses coups de génie, ses inspirations, ses déceptions, ses désillusions, sa part sombre parfois…
« Un amour de boa » : un conte musical illustré
La complicité entre Jean-Jacques Vergnaud et le duo fondateur de la compagnie l’Îlot théâtre est née d’une rencontre provoquée à l’époque, par celui qui était alors le directeur de La Maline : Pierre Soller. La jeune compagnie de l’Îlot théâtre venait de s’installer sur l’île de Ré et cherchait à monter des spectacles pour aller en Avignon, Jean-Jacques Vergnaud venait lui de mettre le point final à la pièce de théâtre : Dreyfus et le cul-de-jatte Bernard. La création théâtrale fut un succès au festival d’Avignon, elle voyageait ensuite et scellait le commencement d’une grande amitié créative autour du théâtre et de la mise en scène entre les trois artistes. Carte blanche a donc été laissée à Laure et Serge pour rendre hommage à l’auteur. Ils ont choisi de mettre en scène un conte pour petits et grands Un amour de boa, avec l’intervention du percussionniste et musicien : Pierre-Jules Billon. Sur les murs, pour décor, les dessins de l’artiste seront projetés.
Exposition hommage à Jean-Jacques Vergnaud au musée Ernest Cognacq à Saint-Martin-de-Ré du 1er avril au 11 juin.
Livre Entretiens de Catherine Salez et Jean-Jacques Vergnaud, avec Ka Associations et le musée Ernest Cognacq.
Un amour de boa, conte musical illustré, à partir de 5 ans, à la salle Vauban le dimanche 2 avril à 17h, entrée libre. Réservation 0546092122, puis le 16 avril à Sainte-Marie-de-Ré, le 18 à Rivedoux-Plage et le 5 mai à La Flotte.