Golfe de Gascogne : interdiction de pêche, filière en péril ?

Immersion à la criée à poissons rochelaise de Chef de Baie dans la nuit du 22 au 23 janvier 2024. Depuis la veille minuit, la pêche est interdite pour un mois dans tout le golfe de Gascogne (du Sud Bretagne au pays Basque).

Nous suivons Benjamin Gillard, poissonnier à La Flotte qui part faire ses achats et rencontrons Greg Chobolet, acheteur et vendeur chez Corail Mareyage.

Cette mesure exceptionnelle est une première en France. Elle s’applique aux bateaux de plus de huit mètres équipés de filets spécifiques et pratiquant certaines techniques de pêche, l’interdiction concerne les navires français et ceux de l’Union européenne. Elle a été confirmée par le Conseil d’État.

Très peu de pêche débarquée

À notre arrivée à la criée, les mareyeurs et les bacs à poissons étaient en nombre très restreint. Benjamin dit ne jamais avoir vu cela, sauf les jours de tempête, lorsque les bateaux ne sortent pas. « Il doit y avoir 50 ou 60 bacs, d’habitude il y en a plusieurs centaines« . Les bacs étaient remplis de poissons moins demandés, tels que la raie, le congre ou encore la sole. Ce manque de diversité affecte directement les mareyeurs, pour Greg, acheteur en criée, le risque est que « les prix flambent« , des prix qui pourraient être multipliés par deux ou trois. C’est la loi de l’offre et de la demande. Deux solutions s’offrent alors aux poissonniers ou autres acheteurs de poissons pour continuer leurs activités. Acheter des poissons qui viennent de l’étranger ou se serrer les coudes, en payant parfois plus cher pour soutenir les pêcheurs et toute la filière. Quitte à rogner des marges et à ne pas trop répercuter cette hausse de prix sur le consommateur. Benjamin a fait son choix : “on va les soutenir en valorisant leur travail” . Il continuera donc d’aller, tous les jours, à la criée de La Rochelle, pour acheter du poisson de qualité et provenant de petits bateaux issus d’une pêche artisanale.

Plusieurs criées fermées

Depuis l’application de cette mesure, plusieurs criées françaises, notamment en Bretagne et en Vendée (Concarneau, Les Sables d’Olone) ont fermé leurs portes en raison du peu de poisson débarqué. Chef de Baie est restée ouverte mais avec une activité très réduite et des personnels qui ont été mis au chômage technique chez les grossistes et mareyeurs.

Cette mesure unique d’interdiction de la pêche pendant un mois constant et dans un très grand secteur de pêche fait suite à la demande de quatre associations : France Nature Environnement (FNE), Sea Shepherd, la Ligue pour la protection des Oiseaux (LPO) et Défense des milieux aquatiques (DMA). Ces associations dénoncent depuis plusieurs années les captures accidentelles de mammifères marins : dauphins et marsouins. Or l’institut Pelagis à La Rochelle, spécialisé dans l’étude des mammifères marins qui autopsient leurs cadavres estime que la mortalité des mammifères provient de leur capture dans les filets des pêcheurs. Ce que les militants de Sea Shepherd appellent le « by catch », terme faisant référence à toute capture non conforme aux espèces et tailles ciblées. Ces captures accidentelles auraient entraîné la mort de 8 000 à 10 000 dauphins en 2023.

Jusque là plutôt silencieux, les pêcheurs pourraient commencer à faire entendre leurs voix. Alors que la France est secouée depuis une semaine par la colère des agriculteurs qui bloquent les grands axes routiers en France, les pêcheurs – notamment en Bretagne – se joignent à eux pour demander de concert considération, revalorisation de leur travail et simplification des normes européennes et administratives. Paysans de la mer et paysans de la terre semblent prêts à faire front ensemble.

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Images, montage et texte Hugo Da Silva

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