Immobilier rétais : un marché totalement en berne
Le marché de l’immobilier rétais est à l’arrêt depuis le mois de septembre. Il n’y a jamais eu autant de biens à la vente et aussi peu d’acquéreurs. Les raisons en sont multiples.
Mireille prend son mal en patience. Cette septuagénaire a mis en vente la maison familiale où elle vit de manière permanente depuis plus de 40 ans. Sa maison de plain-pied (cuisine ouverte sur un espace de vie avec séjour et salon, deux chambres, un garage, une dépendance dans un grand jardin) est sur un beau terrain de 700m2 idéalement située à 30m de la plage des Gollandières au Bois-Plage. Elle en a la jouissance, car prévoyante, elle en a fait la donation il y a quelques années, à ses deux fils aujourd’hui quarantenaires. Mais avec sa petite retraite, elle souhaiterait vivre dans beaucoup plus petit et surtout sereinement d’un point de vue financier, tout en faisant profiter ses deux fils, d’un apport en capital alors qu’ils sont devenus pères de famille loin de l’île de Ré. Aujourd’hui, cette maison est devenue trop lourde en charges et en entretien pour cette rétaise de 70 ans, qui par ailleurs, doit compter chaque euro avec son minimum vieillesse. Seul problème : « à part deux visites de la maison qui ont eu lieu au lendemain de la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre, je n’ai vu absolument personne en trois mois » dit-elle. Et d’ajouter « la maison a été évaluée par deux professionnels au même prix, soit à environ 1,2 million d’euros. Avec mes deux fils, nous serions éventuellement prêts à négocier, encore faudrait-il pour cela que nous ayons des propositions d’acquéreurs, mais rien ». Il y a un an, la maison de Mireille serait probablement partie en moins de trois mois. À une encablure de la plage, elle constitue une maison idéale pour les vacances qui permet de recevoir familles et amis.
30% de biens à la vente en plus qu’en début 2024
Serait ce la fin de l’âge d’or pour l’immobilier rétais ? Cette fin d’année 2024 marque un tournant sans précédent sur ce marché, qui depuis 20 ans était dynamique et en croissance constante. Selon Lionel Bercier, mandataire chez IAD Immobilier : « la situation est totalement inédite et il y a depuis trois mois, un nombre de biens immobiliers à la vente bien supérieur à d’habitude ». Une information confirmée par Sandrine Boulet agent immobilier chez Square Habitat : « on estime à au moins 30% de plus, le nombre de mandats par rapport au début d’année 2024. C’est particulièrement criant sur les communes de Sainte-Marie-de-Ré, La Couarde-sur-Mer et Saint-Clément-des-Baleines ». Claire Deulceux sa consoeur chez Square habitat en liste les raisons et elles sont multiples : « d’abord, il y a beaucoup de successions car la population de Ré est majoritairement âgée. En vieillissant, soit les gens partent en Ehpad, soit ils décèdent, les jeunes générations sont moins enclines à conserver une maison de famille qui représente trop de frais pour eux. Surtout, très souvent ils ne peuvent pas payer les frais de succession et n’ont d’autre choix que de vendre. »
DPE et réglementation sur les meublés de tourisme
« La nouvelle réglementation DPE (Diagnostic de performance énergétique) entre en vigueur au 1er janvier 2025. Les propriétaires ont dorénavant l’obligation de faire un audit énergétique pour les biens classés E, certains ne souhaitent pas faire de travaux pour améliorer cette classification. Enfin la nouvelle réglementation sur les meublés de tourisme, avec l’obligation de s’inscrire pour obtenir un numéro d’enregistrement et prétendre à la location saisonnière, est un frein supplémentaire aux transactions. Il y a maintenant des quotas par village, de ce fait, nos acquéreurs ne peuvent obtenir une estimation locative pour faciliter leur prêt, donc ils renoncent aux acquisitions. » C’est le cas de ce jeune couple de trentenaires qui désirait acquérir un appartement à Saint-Martin-de-Ré, pour y passer leurs vacances mais aussi pour le louer quand ils n’occuperaient pas le lieu, afin de financer leur emprunt. « Face à cette éventualité rendue difficile, voire impossible, la vente a capoté » explique Sandrine Boulet. Ajoutons à cette liste, le contexte économique difficile, l’incertitude sur le montant des taux d’intérêt en 2025 et voila un marché immobilier totalement sclérosé.
Ce n’est plus le vendeur qui fait la loi, mais l’acquéreur
Conséquence directe : le marché s’est inversé, ce ne sont plus les vendeurs qui déterminent les prix, mais les acheteurs, qui n’hésitent pas à faire des offres au rabais. Tandis que chez les vendeurs, ceux qui en ont la possibilité sont attentistes et observent les fluctuations des prix en souhaitant une reprise. Le marché a perdu son dynamisme mais les vendeurs ont tellement été habitués à des prix élevés qu’ils ne veulent pas revoir les tarifs de vente à la baisse. « Les prix ne suivent donc plus la courbe inversée du marché » précise encore la professionnelle.
Cette raréfaction des transactions peut impacter durement l’économie locale : d’une part, les entreprises du bâtiment commencent déjà à en pâtir avec des carnets de commande beaucoup moins remplis qu’il y a un an. D’autre part les communes vont toucher beaucoup moins de DTMO (Droit de Mutation à Titre Onéreux). Les Conseils départementaux comme les communes classées en stations touristiques – c’est le cas des dix communes de l’île de Ré – touchent un pourcentage sur les transactions immobilières. Et depuis 2022, le montant récolté par les DTMO, directement impacté par les baisses des transactions immobilières, a chuté de manière drastique, jusqu’à atteindre son plus bas niveau lors de ce dernier trimestre 2024. L’année 2025 ne s’annonce donc pas sous les meilleurs auspices.
Une île de Ré qui reste séduisante malgré tout
Malgré tout, les professionnels de l’immobilier veulent rester optimistes : « l’île de Ré demeure séduisante pour de nombreux acheteurs, pour son environnement préservé, sa qualité de vie et sa proximité avec La Rochelle » assure Sandrine Boulet. Avant de préciser que « le retour à un marché dynamique ne se concrétisera que si les vendeurs s’alignent sur les prix estimés par les professionnels que nous sommes. »
Virginie Valadas