Saliculture
Dès la semaine prochaine, les sauniers rétais
vont reprendre du simoussi (outil traditionnel permettant la récolte du gros sel) après une pause salutaire d’une dizaine de jours que les récents orages de ce début juin leur ont offert. A peine la saison de récolte du sel commencée, que les saliculteurs étaient déjà presque tous « rincés » de fatigue comme ils peuvent l’être d’habitude à partir de la mi-juillet, fin juillet. « Franchement, s’il n’avait pas plu avant fin juin, j’aurais explosé en vol » déclare l’un d’entre eux. C’est que l’extrême sécheresse du mois de mai ne les a pas ménagée, leur imposant de la récolte de gros sel d’abord puis de fleur de sel ensuite avec un mois d’avance, à peine la préparation des marais terminée et dans des quantités normalement observées en plein été. Car pour la saliculture traditionnelle comme elle se pratique sur les bassins de production de Ré, de Guérande et de Noirmoutier (600 producteurs au total), c’est la météo qui commande. Quand il y a l’action combinée du soleil et du vent, la magie opère, les cristaux de sel se constituent et doivent être ramassés impérativement.
Valérie Charpentier en a pourtant vu d’autres : quinze ans qu’elle exploite 48 aires saunantes dans un champ simple de sel (un marais unique) à Saint-Clément-des-Baleines. « Il y avait même de quoi faire un charroi » dit-elle. Le charroi du sel est l’action qui consiste à transporter le sel dans un hangar à l’abri, au mois de septembre après la saison de récolte pour que le sel passe l’hiver au sec. Le charroi est possible à partir de 6 tonnes de sel par saunier à la Coopérative des sauniers. Et pendant ce mois de mai, Valérie Charpentier en a déjà produit sept tonnes.
La saliculture serait-elle la seule profession agricole à bénéficier des conséquences du réchauffement climatique ?
Infos pratiques
Les producteurs de sel de l’île de Ré sont aujourd’hui une centaine : un tiers sont des sauniers indépendants, les deux autres tiers sont des sauniers coopérateurs, adhérents à la Coopérative des Sauniers de l’île de Ré.
- Ils sont regroupés pour défendre leurs intérêts dans l’association des producteurs de sel de l’île de Ré présidée par Louis Merlin.
- Les producteurs artisanaux de sel sont 600 au total, répartis sur les bassins de production de Guérande, de Noirnoutier et de l’île de Ré.
Huit ans de bonnes récoltes consécutives
Louis Merlin, lui-même saunier et président de l’association des producteurs de sel de l’île de Ré relativise car ces périodes de sécheresse extrême sont souvent suivies d’épisodes orageux. Selon lui, cela questionne le rythme et le fonctionnement de la production de sel : les sauniers devront-ils à l’avenir anticiper la préparation du marais qu’ils débutent aux alentours de la fin février jusqu’à la fin avril ? Pendant ces mois de fin d’hiver, ils égalisent le niveau de leurs aires saunantes en étalant les boues, ils restaurent les conduits d’eau de mer et reconstituent les bords des marais en argile. Quid du recrutement des renforts pour la production quand ils emploient souvent des étudiants souvent disponibles seulement à partir de début juillet ?
Selon les différents scénarios qui ont été étudiés sur le réchauffement climatique sur une échelle de 35 à 90 ans, aucun n’est défavorable à la production artisanale de sel. Il est vrai que depuis 2015, les récoltes sont supérieures aux moyennes des années antérieures.
Même si la saison a démarré sur les chapeaux de roue, il est encore trop tôt pour dire si 2022 sera une année exceptionnelle pour la production de sel. Affaire à suivre.
Virginie Valadas
Photo de Valérie Charpentier de Michèle Jean-Bart, coopérative des sauniers