Débat public éoliennes en mer
Ré Avenir 17 : l’association rétaise
qui milite pour une transition énergétique à l’île de Ré est devenue un des acteurs clés du débat public sur le projet d’éoliennes en mer au large d’Oléron.
Au contraire des membres du collectif Nemo (Non à l’éolien marin au large d’Oléron et à son extension) et des autres opposants au projet qui représentent une majorité des avis exprimés dans le cadre du débat public, Ré Avenir 17 se positionne en faveur de l’installation de ce parc éolien mais avec un certain nombre de conditions. Pour exposer et argumenter cet avis, l’association a organisé une réunion en webinaire dans le cadre du débat public mardi 18 janvier en soirée. Plusieurs intervenants se sont exprimés pour contextualiser le projet et ont répondu aux différentes questions des participants et des opposants au projet.
Pouquoi n’y a-t’il pas eu d’études d’impact avant le débat public ?
Christian Leyrit ancien préfet et ancien président de la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) a répondu à cette question, une question récurrente qui alimente notamment l’argumentaire des opposants au projet. L’ancien président de la CNDP a rappelé qu’il avait présidé à l’organisation de six débats publics sur des projets d’éolien marin lors de son mandat entre 2013 et 2018. A l’époque, même si les débats présentaient un intérêt, ils n’étaient selon lui « pas satisfaisants, car le prestataire ou maître d’oeuvre était choisi par l’état en amont d’un projet déjà localisé et dont la puissance était arrêtée ». Alors, oui, c’est vrai, des études d’impact étaient présentées au public, mais les réclamations des pêcheurs ou des associations de protection de l’environnement, s’ils faisaient valoir leurs arguments voyaient rarement leurs contestations ou amendements suivis d’effets. Et de rappeler qu’un tiers des débats sous son mandat, avaient été suivis de l’arrêt du projet, un tiers avaient abouti sur un projet avec des modifications sensibles et un tiers avaient permis la mise en œuvre du projet comme présenté lors du débat.
A ce titre, le débat public qui concerne le projet d’Oléron est novateur, puisque non seulement sa localisation et sa puissance peuvent être discutées mais l’opportunité du parc éolien en tant que tel est questionnée. Dans ce contexte, où rien n’est arrêté, des études d’impact ne peuvent être réalisées avant le débat. Selon Christian Leyrit, c’est un vrai progrès pour l’exercice de la démocratie, mais qui engendre la frustration de l’absence d’étude d’impact. Julie Dumont, membre de la commission d’ajouter « cela permet aux pêcheurs, aux protecteurs de l’environnement, aux spécialistes de la faune et de la flore d’amener leurs connaissances et de proposer des alternatives techniques intéressantes qui viennent compléter les informations dont dispose le maître d’ouvrage », en l’occurrence l’état et RTE (Le gestionnaire du Réseau de Transport d’Electricité). Et d’enfoncer le clou « le public dispose du même niveau d’informations que l’état et il n’y a aucune information cachée ». Adrien Soismier, adhérent actif du collectif Nemo est revenu à plusieurs reprises sur cette question. Selon lui, « sans étude d’impact, l’opportunité du projet peut être légalement discutée ».
Infos pratiques
Le débat public sur le projet de parc éolien en mer de Nouvelle Aquitaine se poursuit jusqu’au 28 février 2022
- Pendant le temps restant, les rendez-vous et réunions thématiques s’accélèrent à raison d’un rendez-vous quasiment tous les deux jours, avec des réunions sur les raccordements possibles, au nord, au sud, des réunions avec les pêcheurs, deux autres réunions sur l’environnement etc…
https://www.debatpublic.fr/eolien-nouvelle-aquitaine
Quelles hypothèses pour quels scénarios ?
Les opposants au projet n’ont pas manqué de faire remarquer que le scénario d’annulation pure et simple du parc éolien marin au large d’Oléron n’était pas pris en compte. Faux leur a-t’il été rétorqué, puisque la réunion précédente concernant les différents scénarios avait envisagé cette hypothèse (lire l’article dans l’édition de Sud-Ouest du 19 janvier). « Mais si nous nous arrêtons à l’hypothèse du scénario zéro, il n’y a plus de débat public » a précisé Julie Dumont. « Nous avançons aussi en évoquant des projets à 500, à 1000 MW, au nord ou au sud ? » Et de rappeler que le scénario alternatif pour de l’éolien flottant était aussi apparu au cours du débat.
Pierre Emmanuel Vos représentant de l’état a également voulu rassurer « l’état avancera de manière graduée et rendra sa décision finale sur un prestataire, après appel d’offres, après études d’impact et après enquête publique. Le projet est à caractéristiques variables et nous fonctionnons en entonnoir. Le comité scientifique qui nous accompagne pendant toute la procédure du débat public, nous accompagnera encore après le débat, dans les autres étapes à venir ».
Un contexte européen
Patrick Salez, élu local et spécialiste de l’Europe a situé le projet et la politique énergétique de la France pour les trente ans à venir dans un contexte européen. « On oublie trop souvent que notre politique climatique, énergétique et nos choix en matière de développement maritime comme d’éolien off-shore sont conditionnés par un strict cadre européen. Un cadre qui n’est pas un diktat de Bruxelles mais qui est issu d’une décision unanime ou de la grande majorité des Etats-membres. Les mix énergétiques des Etats-membres sont étroitement dépendants entre eux et soumis à une coordination européenne, garante de la bonne marche vers la réalisation des objectifs. La loi climat (« paquet » climat) de la Commission européenne (14 juillet 2021) fixe un cap de 60 GW en 2030 et 300 GW en 2050 d’éolien off-shore et c’est bien dans ce cadre que se situera le parc éolien français. Ces deux chiffres seront négociés entre les Institutions européennes d’ici 2023 et les chiffres définitifs, contraignants, devraient rester dans ces ordres de grandeur. La France prendra une part importante de cette production éolienne off-shore du fait de sa dimension maritime et de son énorme retard en la matière. Il faut donc s’attendre à ce que la « marche forcée » de notre pays vers un déploiement important de l’éolien off-shore s’amplifie. Et je considère que c’est inévitable pour répondre à l’urgence climatique et à l’augmentation de la consommation électrique par transfert des énergies fossiles, face à laquelle l’efficacité et la sobriété énergétiques ne suffiront pas.»
Le « oui mais » de Ré Avenir 17
C’est dans ce contexte que Ré Avenir 17 se positionne en faveur du parc éolien marin. L’idée est que puisqu’on ne pourra pas y couper, selon eux, étant donné l’urgence climatique et la nécessité de produire de l’énergie décarbonnée, autant être actif dans les propositions, pour en éloigner et en diminuer les impacts négatifs du parc. Emmanuelle Carpentier, en charge du dossier « production d’énergies renouvelables » à Ré Avenir a présenté les grandes lignes des propositions de l’association. « Pour atteindre la neutralité carbone, il faudra mettre en œuvre tous les leviers, y compris la sobriété energétique ». Dans ce contexte, le développement des énergies renouvelables (éoliennes et photovoltaïques) apparaît comme un cadre général incontournable. »
Parmi les conditions exposées par Ré Avenir 17 : l’orientation des éoliennes, leur éloignement des côtes, des corridors réservés à la pêche, l’arrêt des éoliennes aux périodes de grandes migrations des oiseaux et aussi l’examen d’un parc éolien off shore…
Autant de propositions qui restent sujettes à caution pour les opposants au projet qui campent sur leur position et contestent depuis le début la validité du parc situé en zone Natural 2000 et dans un Parc Naturel Marin. Il contestent même l’extension récente du périmètre (de 300 à 700 km2) et la prolongation du débat public d’un mois et crient à une ruse de l’état qui voudrait « noyer le poisson », pour faire passer le projet aux forceps. Mais bien que moins nombreuses, les voix des co-constructeurs du projet sont de plus en plus audibles.
Virginie Valadas