Plaine d’Aunis
La petite commune de Montroy (900 habitants),
située à une quinzaine de kilomètres de La Rochelle, n’en finit pas d’être sous les feux des projecteurs médiatiques, mais ses habitants et les riverains des communes voisines se seraient bien passés de cette soudaine notoriété qui date du mois de juillet dernier. Car elle est due à un sinistre record de pollution à un herbicide : le prosulfocarbe et à des taux anormalement élevés de différents pesticides et fongicides.
Ils étaient près de 400 habitants, riverains, à assister le mercredi 14 septembre à une réunion initiée par les élus de l’agglomération rochelaise pour faire la lumière sur les résultats de la pollution de l’air révélés en juillet dernier par le capteur ATMO Nouvelle Aquitaine disposé sur la commune. Le public était réparti dans deux salles, parmi lequel douze maires des communes voisines, la députée de la circonscription de Rochefort, la suppléante d’Olivier Falorni, député de La Rochelle/Ré, le sénateur Mickaël Vallet, le président de la Chambre d’Agriculture de Nouvelle-Aquitaine, le président de la Ligue contre le cancer, celui de Nature Environnement 17 et les parents d’enfants malades réunis au sein de l’Association Avenir, santé, environnement. Cette association s’est constituée suite à l’apparition d’un cluster de cancers pédiatriques sur les communes voisines de Saint-Rogatien et de Perigny il y a cinq ans. Pour faire la lumière sur ces résultats alarmants pour la population, les élus de l’agglomération rochelaise avaient convié des scientifiques afin d’expliquer les résultats obtenus, l’interprétation qu’il convenait de tirer de ces résultats.
Une représentante d’ATMO Nouvelle-Aquitaine a expliqué pourquoi le site de Montroy était représentatif de toutes les communes alentour. Elle a surtout expliqué que les taux de pesticides captés dans l’air dépendaient des conditions météorologiques au moment où les traitements sont pulvérisés. Pour ces céréales d’hiver, leur traitement a lieu à l’automne, vers la Toussaint. Cédric Tranquard, président de la chambre d’agriculture de Charente-Maritime a été interpellé à plusieurs reprises : sa réponse a été d’annoncer que les futurs traitements auraient lieu, seulement quand les conditions météorologiques favorables à leur fixation au sol et non à leur volatilité dans l’air, seraient réunis.
Puis ont pris la parole, Laurence Huc, directrice de recherches à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (INRAe) à Toulouse et sa collègue Liana Arnaud, toxicologue. Les deux scientifiques ont eu un verdict sans appel : les principales molécules détectées sur la plaine d’Aunis sont nuisibles à la santé, même en quantité moindre. Evoquant, par ailleurs un effet cocktail (les conséquences de différentes molécules s’ajoutant les unes aux autres), Laurence Huc a affirmé que dans ce contexte « zéro + zéro + zéro n’était pas égal à zéro ». Un constat alarmant.
Puis Vincent Bretagnolles, chercheur au centre d’études biologiques de Chizé dans les Deux-Sèvres était invité à s’exprimer. Il est une sommité en matière d’étude des impacts de l’agriculture sur la biodiversité. Depuis 30 ans, il étudie les différents types d’agriculture dans la « ferme atelier des Val de Sèvres » dans les Deux-Sèvres. Un territoire de 450 kilomètres carrés avec plus de 400 agriculteurs, dont certains sont en agriculture bio, d’autres en conventionelle, d’autres, enfin, en permaculture. En préalable à sa démonstration, il a posé ce diagnostic : « peut-on se passer de produits phytosanitaires, y compris pour de la production de céréales ? Oui » et d’enfoncer le clou : « sans pesticides, les rendements sont meilleurs, donc les revenus de l’agriculteur aussi puisqu’il a moins de charge (les produits phytosanitaires étant très coûteux) ». Malgré ces résultats, il a constaté que nombre d’agriculteurs ne voulaient pas changer de mode de culture. « Il y a des freins » a-t-il commenté en suggérant que pour inciter à cette prise de risque, il fallait accompagner les producteurs, y compris financièrement.
Pour l’heure, sur la plaine d’Aunis, une médiation a été confiée à Myriam Bacqué, directrice de la Maison de la communication à La Rochelle et enseignante à la faculté de droit. Des réunions et des entretiens vont avoir lieu entre riverains, agriculteurs, élus et membres de l’association Avenir, santé, environnement.
Mais au vu du déroulé de la réunion du 14 septembre, il apparaît très nettement que les habitants ne veulent plus d’une agriculture qui nuise à leur santé et surtout à celle de leurs enfants. Certains parlent de déménager, d’autres de partir en vacances au moment des traitements ou de se barricader chez eux.
A l’initiative d’habitants de Montroy et des communes voisines, la page Facebook « Pour la fin du prosulfocarbe en pays d’Aunis » a été créée.
L’ensemble de la réunion et des documents scientifiques diffusés lors de la réunion sont consultables sur le site Internet de la Communauté d’agglomération de La Rochelle.
Virginie Valadas