Plaine d’Aunis
La réalité dépasse parfois la fiction.
Ce qui se passe dans la plaine d’Aunis, à deux encablures de l’île de Ré, à une quinzaine de kilomètres de La Rochelle, pourrait faire l’objet d’un long métrage, d’un film catastrophe, avec Julia Roberts en héroïne et lanceuse d’alerte. La réalité est moins glamour mais tout aussi alarmante.
A Montroy, petite commune située dans la plaine d’Aunis, jouxtant Bourgneuf et dans la continuité de Perigny (dans la communauté d’agglomération de La Rochelle), les habitants ont organisé une réunion d’information le 26 juillet au soir. Les Rétais étaient présents pour entendre ce qu’ils avaient à dire. Une petite centaine de personnes se sont déplacées, y compris des habitants des communes voisines. Leur but : s’informer sur un taux de pollution extrêmement haut d’une molécule utilisée dans le traitement des champs de blé, détectée fin juin par un capteur d’air de l’organisme ATMO installé devant l’école du village.
La réunion s’est déroulée dans le calme et a permis aux habitants d’exprimer leur inquiétude et leur détermination. Plusieurs élus étaient présents : des maires des communes voisines mais aussi la toute nouvelle députée de la circonscription (Rochefort-Surgères) Anne-Laure Babault qui a tenté d’apporter des réponses aux habitants et de rassurer. Pas facile, quand il a été démontré que la plaine d’Aunis et plus précisément la commune de Montroy détenait le triste record du taux de pesticide le plus important de France.
La molécule en question : le prosulfocarbe a été comptabilisé à une concentration de 22,4 nanogrammes par m3 pendant plusieurs semaines à l’automne dernier, en cumul hebdomadaire moyen. Un chiffre tellement haut que les élus de l’agglomération rochelaise ont d’abord cru à une erreur. ll était à 6,9 lors de la précédente étude d’ATMO en 2019.
On rembobine : en 2019, suite à un cluster de cancers pédiatriques détecté sur les communes de Saint-Rogatien et Périgny, des citoyens ont créé l’association Avenir-Santé-Environnement de Saint-Rogatien afin de trouver et d’éradiquer les possibles pollutions qui déclencheraient, induiraient ou aggraveraient les maladies pédiatriques. Les élus de l’agglomération rochelaise ont emboité le pas à l’association pour financer une étude sur la qualité de l’air et installer le fameux capteur d’air ATMO de Montroy, situé devant l’école du village. Les chiffres de 2020 qui faisaient suite à l’étude de 2019 étaient déjà mauvais, mais ceux qui sont tombés en juin de cette année sont pire encore.
En conseil d’agglomération, le 7 juillet dernier, les élus ont demandé un moratoire pour interdire la molécule incriminée. C’est la seule action politique qui était en leur pouvoir, n’ayant pas la compétence agricole. Le moratoire est bien remonté jusqu’au bureau du ministre de l’Agriculture mais il n’a pas reçu un avis favorable. L’interdiction de cette molécule induirait son remplacement pour les agriculteurs céréaliers par un autre intrant chimique qui serait plus toxique. Si ce moratoire n’a pas été suivi des effets escomptés, il a eu le mérite de médiatiser l’affaire de la pollution aux pesticides dans la plaine d’Aunis et de mobiliser les habitants.
Aujourd’hui, les habitants de la plaine d’Aunis demandent des études faites par des scientifiques indépendants pour établir le lien de cause à effet entre les pesticides, les cancers pédiatriques et d’autres potentiels problèmes de santé, ils demandent également que des capteurs d’air soient installés dans tous les territoires de Charente-Maritime via les communautés de communes (cda de Rochefort, cdc de Surgères etc) et enfin, ils espèrent la transparence totale de l’Etat sur cette question de santé publique.
La députée Anne-Laure Babault a tenté d’apporter des réponses, notamment celles qu’elle avait eu de la part d’experts qui travaillent justement pour les instances d’état (ANSES, ATMO, INRAE…). Elle a promis une étude sur la dangerosité de la molécule incriminée avec des résultats fin septembre et des contrôles au moment de la pulvérisation du pesticide à l’automne prochain. Une réponse qui semble peu adaptée à la gravité d’une situation hors contrôle.
Pas sûr que cela suffise à rassurer les populations locales qui semblent déterminées à obtenir toutes les informations nécessaires pour éradiquer la cause de ces maladies… Ou à déménager.
Virginie Valadas
ANSES : Agence nationale de sécurité de l’alimentation et de l’environnement. C’est cet organisme d’état qui délivre les autorisations de mise sur le marché des molécules.
ATMO Nouvelle-Aquitaine : organisme qui mesure la qualité de l’air.
INRAE : Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement