Environnement
Le Groupe d’expressions multiples (GEM),
groupe d’opposition au Conseil communautaire (5 élus) a organisé un débat sur la qualité de l’air à l’île de Ré avec plusieurs intervenants dont l’eurodéputé Vert Benoît Biteau. Après plus de deux heures d’échanges, parfois animés, il est ressorti des débats un consensus et une volonté partagée de demander à la Communauté de communes de l’île de Ré, le financement pour l’installation d’au moins un capteur d’air ATMO* sur un lieu stratégique qui reste à déterminer (en centre bourg d’une commune agricole de l’île de Ré et à proximité de vignes).
Une cinquantaine de personnes étaient présentes, dont des élus ou représentants d’élus de différentes assemblées et de différents bords politiques : la conseillère régionale EELV : Kathia Bourdin, les conseillers départementaux : Jean-Marc Soubeste (EELV) et Véronique Richez-Lerouge (Modem), le député Olivier Falorni (Modem) était représenté par son attaché parlementaire Sébastien Arzalier. Dans la salle, des élus communaux étaient présents également comme Jean-François Beynaud, ostréiculteur et adjoint au maire du Bois-Plage. La question de la qualité de l’air rassemble et « elle est transpartisane » comme le soulignait Véronique Richez-Lerouge.
Pourquoi ce thème ? Parce que l’actualité récente a mis en lumière des événements graves dans différentes communes de Charente-Maritime : les citoyens ne savent pas de quoi est composé l’air qu’ils respirent et réclament aujourd’hui plus de transparence.
Parmi ces événements qui ont mis la puce à l’oreille aux organisateurs de la réunion : le taux de prosulfocarbe (herbicide) relevé à Montroy dans la plaine d’Aunis en juillet dernier (voir le reportage), l’étude Solagro sur les fréquences d’indice de traitement (IFT) sortie en juin dernier qui plaçait plusieurs communes de l’île de Ré en rouge (voir l’article), la « charte riverains » signée entre les préfectures et les chambres d’agriculture pour définir une proximité avec les riverains les jours d’épandage d’intrants chimiques, la proximité de l’île de Ré avec le Grand Port Maritime (GPM) de La Rochelle et ses activités qui concernent la manutention de céréales entre autres (génératrices de poussières).
Les premiers à ouvrir le ban des interventions ont été Joël Givelet et François Léonard de l’association Action environnement, une toute jeune association qui était en 2018 un collectif constitué pour ramasser les déchets dans les vignes à Sainte-Marie-de-Ré. Devenu association en 2020, Action Environnement est aujourd’hui sur le territoire, une sentinelle qui entend faire des propositions sur les mobilités douces et les transports collectifs, sur les biodéchets et aussi sur une incitation à une transition de l’agriculture rétaise pour passer de conventionnelle à bio.
Le thème principal de la réunion était lancé : celui d’une agriculture possiblement polluante et nuisible à la santé des citoyens.
Infos pratiques
ATMO Nouvelle Aquitaine est l’observatoire agréé par le ministère de la Transition écologique, pour surveiller la qualité de l’air en Nouvelle-Aquitaine. En tant qu’Association Agréée de Surveillance de la Qualité de l’Air (AASQA), l’observatoire est membre de la Fédération Atmo France, qui réunit toutes les AASQA.
Agribashing ou pas ?
Patrick Salez, élu flottais, ancien haut fonctionnaire à Bruxelles et chercheur agro-économiste à l’INRAe* a évoqué les différents plans phytosanitaires lancé en France sous l’impulsion de Bruxelles, des plans phytosanitaires qui visaient à diminuer la part d’intrants utilisée en agriculture mais qui se sont systématiquement traduits par un résultat inverse : toujours plus de pesticides et d’herbicides dans notre agriculture, et ce malgré le fait que depuis 60 ans, les scientifiques n’ont pas cessé de crier que ces produits étaient toxiques et dangereux pour la santé. Un échec cuisant selon lui. Patrick Salez d’enfoncer le clou « le système est verouillé par l’industrie chimique avec la complicité de la FNSEA ».
La position du seul jeune agriculteur vigneron de la coopérative Uniré présent dans la salle : Eugène Paul Brullon, n’était pas facile à tenir. Il a expliqué que de nombreux efforts étaient entrepris sur l’île de Ré : travail sur les cépages et sur l’entretien des sols, investissement dans des machines couteuses avec panneaux récupérateurs (pour empêcher que les produits phytosanitaires ne se volatilisent), installation de quatre stations de lavage pour nettoyer les tracteurs et surtout, un objectif : 100% des agriculteurs de la coopérative Uniré auront la qualification HVE (Haute Valeur Environnementale) en 2025. Mais il s’est quand même senti la cible des critiques.
D’autant plus que pour l’agriculteur et Eurodéputé Vert Benoît Biteau, volontiers désigné comme le nouveau José Bové : « le HVE n’amène pas au bio, c’est un autre aiguillage ». Pour lui, ce label est un simulacre de transition écologique, subventionné par les pouvoirs publics. Et l’élu de Bruxelles de surenchérir « sur une politique agricole commune, qui coûte des fortunes d’argent public pour financer une agriculture mortifère depuis des années. » Le tribun est connu pour ses prises de positions radicales et sa défense de l’agro-écologie (voir par ailleurs ce qu’il penses des réserves de substitution d’eau).
Paradoxalement, celui qui fut le moins questionné et le plus rassurant, a été Bernard Plisson, directeur stratégique et transition écologique du Grand Port Maritime. Interrogé sur l’accueil des paquebots de croisière à La Pallice (35 escales cet été pour 60 000 passagers), il a redit qu’une étude était en cours, à la demande des élus de l’agglomération de La Rochelle et des acteurs du tourisme : « le port est un établissement public au service du territoire et de son économie. L’accueil des croisières est une moindre activité pour le port comparée aux activités premières que sont le transit des hydrocarbures, des céréales, des pâtes à papier, de la nourriture pour animaux et de plus en plus, des colis lourds comme les pièces d’éoliennes ». Selon lui, le GPM a entamé depuis dix ans une démarche très forte avec les différents opérateurs du port pour réduire l’impact des activités et notamment des poussières générées par le transit de marchandises très volatiles. « Grâce à ces efforts, cette politique porte ses fruits, même si elle peut encore être améliorée. Les chiffres du capteur ATMO installé de manière permanente à La Pallice en attestent ».
Justement, c’est bien d’installer un capteur ATMO à l’île de Ré, dont il est question in fine. Déjà d’en faire la demande à la CDC de l’île de Ré pour son financement (entre 30000 euros à 80000 euros par an selon les molécules recherchées par le capteur). Un ou deux capteurs même, d’abord de manière transitoire puis si les résultats ne s’avéraient pas bons, de manière pérenne. C’est le préalable à tout changement dans les usages et un combat légitime pour Katia Bourdin qui précisait que le groupe EELV avait demandé à la région Nouvelle Aquitaine via une motion, la multiplication des capteurs ATMO et d’ajouter, « si la CDC de l’île de Ré en fait la demande, nous appuierons celle-ci ».
ATMO : observatoire de la qualité de l’air en Nouvelle-Aquitaine
INRAe : institut national de recherche sur l’alimentation, l’agriculture et l’environnement
Virginie Valadas